Voiture qui ne bouge pas : simple négligence ou infraction au code ?
Un véhicule immobile depuis des semaines, parfois des mois, qui encombre une rue, un parking ou un trottoir. C’est une scène familière dans bien des villes. Faut-il s’en accommoder ou signaler cette inaction on ne peut plus statique ? Un véhicule qui reste à la même place pendant une période excessive n’est pas seulement un désagrément visuel — il peut relever d’une infraction. Encore faut-il savoir dans quel cadre et selon quelles règles.
Les différents cas juridiques : abandon, stationnement abusif et épave
Avant toute action, il est crucial d’identifier à quelle catégorie appartient le véhicule.
- Stationnement abusif : C’est le cas le plus courant. Selon l’article R417-12 du Code de la route, un véhicule garé au même endroit sur la voie publique depuis plus de sept jours peut être considéré comme en stationnement abusif. Certaines communes réduisent ce délai à 48 ou 72 heures par arrêté municipal.
- Véhicule en épave : Si la voiture est gravement endommagée, sans roues, avec les vitres brisées ou des parties mécaniques ouvertes, elle peut être considérée comme une épave, ou plus précisément comme un véhicule hors d’usage (VHU). Cela relève alors de l’article L541-1 du Code de l’environnement.
- Véhicule abandonné : Un véhicule immatriculé mais laissé sans soins sur un espace public peut être interprété comme un abandon volontaire, passible d’une mise en fourrière sur la base de l’article L325-1 du Code de la route.
Dans chacun de ces cas, signaler le véhicule est possible. La procédure dépendra de la situation constatée. Mais surtout, vous devez apporter des éléments concrets et fiables. Pour plus de détails pratiques, consultez notre guide complet sur la procédure pour signaler une voiture immobile.
Quand devient-il nécessaire de signaler une voiture immobile ?
Tout stationnement prolongé n’est pas forcément abusif. Un résident parti en vacances ou un véhicule secondaire utilisé ponctuellement peuvent occuper un emplacement pendant plusieurs jours de manière légale.
Certains signes doivent néanmoins alerter :
- Absence apparente d’entretien (couches épaisses de saleté, pneus dégonflés)
- Pas de déplacement constaté depuis plus d’une semaine
- Aucun billet visible sur le pare-brise (type PV, avis de fourrière, etc.)
- Véhicule portant des dégâts visibles ou semblant à l’abandon
Dans un espace privé (parking de copropriété ou garage), les règles évoluent. Même si la voiture semble » oubliée « , vous devrez passer par votre syndic de copropriété ou le propriétaire du terrain. Là encore, la loi encadre les actions possibles, et l’intervention d’un huissier peut être nécessaire.
Stationnement abusif : quelle procédure pour faire bouger les lignes ?
Si vous suspectez un stationnement abusif, la première étape consiste à réunir des preuves. Car oui, il ne suffit pas de dire » la voiture n’a pas bougé depuis deux semaines « . Il faut le montrer.
Voici une méthode simple et défendable :
- Prenez des photos du véhicule chaque jour à la même heure. Si les plaques, les ombres, et la position varient peu voire pas du tout, vous construisez ainsi un faisceau de preuves cohérent.
- Notez précisément les dates, horaires et lieux. Ne vous fiez pas à votre mémoire : documentez.
- Interrogez les riverains ou commerçants alentour. Ils peuvent confirmer que la voiture n’a pas bougé.
Une fois le dossier constitué, vous avez trois options :
- Contacter la police municipale, compétente pour constater l’infraction et déclencher éventuellement une mise en fourrière.
- Faire une déclaration sur le portail moncommissariat.fr ou en vous rendant au commissariat/gendarmerie.
- Prévenir la mairie, notamment s’il s’agit d’un problème récurrent de voisinage ou de voirie.
À noter : certaines municipalités proposent une rubrique dédiée au signalement de voitures abandonnées sur leur site web, avec formulaire, photo et géolocalisation. Une procédure civique à ne pas négliger.
Et si la voiture est manifestement une épave ?
Un pare-brise éclaté, une carrosserie calcinée, des roues manquantes et un intérieur moisi… Clairement, on quitte le domaine du » stationnement prolongé « .
Dans ce cas, la loi qualifie le véhicule de VHU, pour » véhicule hors d’usage « . Son abandon sur la voie publique constitue une infraction environnementale. L’article R635-8 du Code pénal prévoit une amende de jusqu’à 450 € pour abandon d’un VHU.
Action à mener : là encore, constituez un dossier avec photos et signalement à la mairie ou à la police municipale. La mise en fourrière peut être déclenchée rapidement, et les frais seront à la charge du propriétaire si celui-ci est identifié.
Un fléau dans certains quartiers : exemple concret
Dans un quartier résidentiel de Strasbourg, une voiture non identifiée, couverte de tags et avec les vitres cassées, squattait le même emplacement depuis plus de 3 mois. Des habitants ont lancé une alerte via la mairie, photos à l’appui, en mentionnant les risques pour les enfants qui jouaient à proximité.
Bilan : après constatation des forces de l’ordre, mise en fourrière en moins de 48h. Un exemple parlant de l’efficacité d’un signalement huilé. Mais aussi un rappel : sans preuve ni relance, rien ne bouge.
Et si le véhicule est sur une propriété privée ?
C’est là que l’affaire se complique. Sur une propriété privée, même si le véhicule semble abandonné ou gênant, l’intervention de la mairie ou de la police se limite. Il faudra alors passer par :
- Le syndic de copropriété pour un parking d’immeuble
- Le propriétaire du terrain si l’emplacement est loué
- Un huissier pour faire constater la situation et éventuellement lancer une procédure judiciaire
Aucune mise en fourrière ne peut avoir lieu sans constat officiel validé, voire décision de justice. C’est plus long, plus lourd, mais pas impossible si vous documentez bien l’état de la voiture et les démarches entreprises.
Sanctions encourues par le propriétaire du véhicule
Une voiture en stationnement abusif avéré peut être mise en fourrière, avec à la clé :
- frais d’enlèvement (selon les villes : en moyenne 100 à 150 €)
- frais de garde journaliers (entre 6 et 30 € par jour)
- paiement d’une amende forfaitaire (jusqu’à 35 € pour stationnement gênant, 135 € si aggravé)
Et s’il s’agit d’un VHU, en plus des coûts de traitement, le propriétaire peut faire l’objet de poursuites via le Code de l’environnement. Là, l’ardoise grimpe, sans parler du risque d’être blacklisté des assurances en cas de récidive ou de négligence manifeste.
Quelques astuces pour un signalement efficace
Un bon signalement repose sur trois éléments : preuve, traçabilité et action rapide. Voici quelques recommandations pratiques :
- Notez le numéro de plaque d’immatriculation. Un détail fondamental pour toute enquête administrative.
- Identifiez précisément l’emplacement : adresse, description des abords, points de repère.
- Joignez des photos datées et horodatées. Si possible, dans des conditions éclairantes (lumière du jour, vues d’ensemble et de détail).
- Suivez l’évolution de votre signalement. Relancez si nécessaire, sans accabler, mais avec constance. La persévérance fait souvent bouger les choses.
Et surtout : n’engagez jamais de démarche personnelle de type » déplacement de force « , autocollant agressif sur la vitre ou crevaison vengeresse. En plus d’être illégal, ce type d’action dessert votre cause.
Agir, c’est aussi protéger
Qu’on soit riverain excédé ou simple passant soucieux de l’espace public, signaler un véhicule figé fait acte de responsabilité. Non seulement le Code de la route prévoit des règles encadrant ces situations, mais les autorités peuvent agir — dès lors que le citoyen fournit les bons éléments.
Ne sous-estimez pas votre rôle : une société plus fluide commence parfois par une place de parking libérée. Et, qui sait, un trottoir dégagé peut éviter l’accident de trop. Alors, à défaut de bouger l’automobile directement, mettez les procédures en route.
Que faire si vous êtes directement victime d’un stationnement abusif ?
Une voiture qui ne bouge pas peut aussi vous toucher de plein fouet : place privée occupée, sortie de garage bouchée, accès à un commerce ou à un local professionnel bloqué. Dans ces situations, l’enjeu n’est plus seulement esthétique, mais bien pratique, voire économique.
- Identifiez le caractère gênant ou abusif : une voiture qui empiète sur votre sortie de garage, qui bloque l’accès aux pompiers ou à un local technique ne se situe pas dans le même cadre qu’un simple stationnement prolongé sur un emplacement libre.
- Tentez un contact apaisé : si le propriétaire est identifié (voisin, client, livreur), un mot poli, un message dans la boîte aux lettres ou sur le pare-brise peut parfois suffire à régler le problème.
- Appelez la police municipale ou nationale en cas de blocage manifeste : lorsque la sortie est obstruée ou que la sécurité est en jeu, les forces de l’ordre peuvent intervenir rapidement pour constater l’infraction et, le cas échéant, faire procéder à l’enlèvement.
- En cas de préjudice récurrent (perte de clientèle, impossibilité de sortir le véhicule), conservez des preuves (photos, témoignages, échanges de mails) : elles pourront appuyer une éventuelle demande d’indemnisation ou une action en justice contre l’auteur des stationnements répétés.
Être » victime » d’un stationnement abusif, c’est donc à la fois subir une gêne réelle et avoir le droit d’exiger une intervention. Plus votre démarche est posée, documentée et proportionnée, plus elle a de chances d’aboutir rapidement.
Stationnement abusif en copropriété : rôle du syndic et responsabilités
Dans les parkings de copropriété, les véhicules qui ne bougent plus pendant des semaines cristallisent souvent les tensions : place numérotée occupée, véhicule inconnu, risque d’incendie ou de fuite de carburant… Le cadre juridique est spécifique et diffère de la voie publique.
- Place nominative ou lot privatif : si la place est attachée à un lot (appartement, local), seul le propriétaire (ou son locataire) est en principe habilité à y stationner. Un tiers qui s’y gare sans autorisation peut être considéré comme occupant sans droit ni titre.
- Places communes ou visiteurs : certaines copropriétés prévoient des emplacements » visiteurs » ou non attribués. Le règlement de copropriété peut alors fixer une durée maximale de stationnement ou interdire l’abandon de véhicules.
- Rôle du syndic : il peut faire constater par huissier l’occupation irrégulière, alerter le propriétaire du véhicule s’il est connu, voire engager une procédure pour faire retirer le véhicule en s’appuyant sur le règlement de copropriété et une décision d’assemblée générale.
- En cas de danger (fuite d’essence, batterie prête à exploser, véhicule manifestement instable), le syndic peut saisir les pompiers ou la police pour une intervention d’urgence, indépendamment des litiges de voisinage.
Si vous êtes copropriétaire ou locataire et que vous subissez un stationnement abusif sur votre place, commencez par :
- Informer le syndic par écrit (mail ou courrier recommandé) avec photos et dates
- Demander l’application du règlement de copropriété, voire l’inscription du point à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale
- Éviter toute action de » justice privée » (pose de barrière sauvage, blocage de la voiture adverse, etc.), qui pourrait se retourner contre vous
En copropriété, le temps semble parfois long, mais un dossier bien construit, porté collectivement, finit souvent par aboutir à des règles plus claires et des interventions plus rapides en cas d’abus.
Mise en fourrière et frais : qui doit payer quoi, et dans quels cas ?
Derrière une voiture qui ne bouge pas se cache souvent une question sensible : qui règle la note lorsque la mise en fourrière est décidée ? La réponse dépend du statut du véhicule et du lieu de stationnement.
- Sur la voie publique : dès lors qu’une infraction est constatée (stationnement très gênant, abusif, VHU), le propriétaire du véhicule reste en principe redevable :
- des frais d’enlèvement
- des frais de garde en fourrière
- des amendes liées aux infractions constatées
- Sur un parking privé ouvert au public (centre commercial, clinique, etc.) : le gestionnaire peut, dans certains cas et selon le règlement intérieur, solliciter la mise en fourrière. Là encore, le propriétaire du véhicule paiera les frais, mais le gestionnaire doit pouvoir justifier la gêne ou la dangerosité du stationnement.
- En copropriété : si la mise en fourrière est décidée après constat d’huissier et éventuelle décision de justice, les frais retombent en principe sur le propriétaire du véhicule. En cas d’impossibilité de l’identifier, la copropriété peut devoir avancer certains coûts, parfois répercutés ensuite sur les charges générales.
- Assurances et recours : les contrats auto couvrent rarement les frais liés à un stationnement abusif ou à l’abandon du véhicule. En revanche, si vous subissez un dommage (dégradation de votre voiture, impossibilité d’accéder à votre garage entraînant une perte financière), vous pouvez envisager un recours civil contre l’auteur de l’abus, avec l’appui de votre protection juridique.
Enfin, attention aux signalements intempestifs : déclencher une intervention sur la base d’informations exagérées ou mensongères peut, dans certains cas, vous exposer à des reproches, surtout si un préjudice est causé au propriétaire du véhicule sans motif valable. Là encore, tout repose sur la bonne foi et sur la solidité de vos preuves.

