Lettre pour dénoncer une injustice au travail et faire valoir ses droits auprès de l’employeur

Lettre pour dénoncer une injustice au travail et faire valoir ses droits auprès de l’employeur

Avant d’écrire : identifier précisément l’injustice que vous subissez

Avant de prendre votre clavier pour dénoncer une injustice au travail, il faut commencer par un travail ingrat mais indispensable : mettre des mots clairs sur ce que vous vivez.

On ne rédige pas la même lettre pour :

  • Un harcèlement moral (remarques humiliantes, isolement, dénigrement constant)
  • Un harcèlement sexuel
  • Une discrimination (sexe, âge, origine, état de santé, grossesse, syndicalisme, religion…)
  • Des heures supplémentaires non payées
  • Un changement de poste ou d’horaires imposé sans votre accord
  • Une sanction injustifiée ou illégale
  • Demandez-vous :

  • Qu’est-ce qui est précisément injuste ?
  • Depuis quand cela dure-t-il ?
  • Qui est impliqué ? (hiérarchie, collègues, RH…)
  • Quelles preuves ai-je ? (mails, SMS, témoignages, enregistrements, documents, planning…)
  • Votre objectif n’est pas de « vider votre sac », mais de décrire des faits concrets que l’employeur pourra difficilement ignorer ou balayer d’un revers de main.

    Un simple : « Je me sens mal, l’ambiance est toxique » ne suffit pas. En revanche : « Depuis le 12 mai, mon supérieur hiérarchique M. X m’exclut systématiquement des réunions d’équipe, comme en attestent les mails de convocation du 12, 19 et 26 mai » est bien plus difficile à contester.

    Ce que dit le droit : rappeler le cadre à votre employeur

    Votre lettre n’est pas un roman, c’est une mise en garde argumentée. Elle doit s’appuyer sur des textes. Sans tomber dans le copier-coller de Code du travail, il est utile de montrer que vous savez de quoi vous parlez.

    Quelques repères (France) :

  • Harcèlement moral : article L1152-1 du Code du travail
  • Harcèlement sexuel : article L1153-1 du Code du travail
  • Discrimination : article L1132-1 du Code du travail
  • Santé et sécurité : obligation de sécurité de l’employeur (L4121-1 et suivants)
  • Rémunération et heures sup : L3121-28 et suivants
  • Vous n’êtes pas obligé de citer les articles dans le détail, mais rappeler, par exemple, que « l’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés » montre que vous ne parlez pas dans le vide.

    Votre lettre ne remplace pas un avocat ni une saisine des prud’hommes, mais elle constitue une pièce écrite qui pourra servir de preuve si le conflit se judiciarise. D’où l’importance de la rédiger proprement.

    Pourquoi une lettre écrite change tout

    Beaucoup de salariés commettent la même erreur : ils se contentent de remarques orales, informelles, souvent en aparté avec leur manager ou un RH « sympa ». Résultat : juridiquement, il ne reste rien.

    Une lettre écrite (de préférence envoyée en recommandé avec accusé de réception) a plusieurs utilités :

  • Elle date officiellement votre alerte
  • Elle montre que vous avez tenté de régler le problème en interne
  • Elle met l’employeur face à son obligation de réagir
  • Elle devient une preuve en cas de contentieux (prud’hommes, pénal, inspection du travail)
  • Autrement dit, même si votre employeur fait la sourde oreille, vous aurez créé une trace. Et dans un dossier, une trace écrite pèse souvent plus lourd qu’un discours ému six mois plus tard devant un juge.

    Les erreurs à éviter dans une lettre de dénonciation à son employeur

    Pour être efficace, votre courrier doit être maîtrisé. Voici ce qu’il faut absolument éviter :

  • Insultes et jugements personnels : « Mon manager est un incapable », « ce service est dirigé par des incompétents »… Cela vous décrédibilise immédiatement.
  • Les accusations vagues : « On me maltraite », « c’est du harcèlement », sans faits précis.
  • Les menaces creuses : « Si vous ne réglez pas cela, je vous poursuis en justice et je contacte les médias ». Inutile et contre-productif à ce stade.
  • Les mails rédigés sous le coup de la colère : écrits à 23h, après une journée épuisante. Gardez-les pour vous, relisez, réécrivez à froid.
  • Votre force, c’est le calme, la précision, la chronologie, les preuves. Vous ne êtes pas là pour « vous plaindre », mais pour mettre l’employeur face à ses responsabilités légales.

    À qui adresser cette lettre dans l’entreprise ?

    Tout dépend de la taille et de la structure de votre société. En pratique, vous pouvez :

  • L’adresser directement à votre employeur (gérant, président, direction générale)
  • En copie à la DRH ou au service des ressources humaines
  • En copie au CSE (Comité Social et Économique) ou aux représentants du personnel
  • Le cas échéant, en copie au médecin du travail lorsque votre état de santé est en jeu
  • Évitez de l’envoyer uniquement à votre supérieur direct si c’est justement lui qui est en cause. Adressez-la alors à un niveau hiérarchique supérieur et/ou à la DRH.

    Structure recommandée pour votre lettre

    Votre lettre doit être lisible, structurée, sans bavardages. Une architecture simple fonctionne très bien :

  • 1. Objet clair : évoquer l’injustice ou la situation dénoncée
  • 2. Présentation rapide : votre poste, ancienneté, service
  • 3. Exposé des faits : chronologique, précis, daté
  • 4. Impact sur vous : santé, conditions de travail, carrière
  • 5. Rappel du cadre légal : bref mais ferme
  • 6. Demandes concrètes : ce que vous attendez de l’employeur
  • 7. Ouverture au dialogue : proposer un entretien, une rencontre
  • Voyons maintenant un modèle directement exploitable.

    Modèle de lettre pour dénoncer une injustice au travail

    Vous pouvez adapter ce modèle à votre situation. Ne recopiez pas tout mot pour mot sans l’adapter à votre cas précis.

    Objet : Signalement d’une situation d’injustice au travail et demande d’intervention

    Madame / Monsieur,

    Salarié(e) de l’entreprise depuis le [date d’entrée], en qualité de [poste occupé] au sein du service [nom du service], je me permets de vous saisir par la présente afin de vous signaler une situation que je considère comme injuste et préjudiciable à mes conditions de travail, et de faire valoir mes droits.

    1. Exposé des faits

    Depuis le [date de début des faits], je suis confronté(e) à la situation suivante :
    – Le [date précise] : [décrire le fait n°1 de manière factuelle : propos, mails, décision, changement de poste, sanction, etc.]
    – Le [date précise] : [décrire le fait n°2]
    – Le [date précise] : [décrire le fait n°3]

    Ces éléments sont étayés par [préciser : courriels, témoignages, documents internes, planning, bulletins de paie…], que je peux mettre à votre disposition si nécessaire.

    2. Nature de l’injustice subie

    Ces faits ont pour conséquence :
    – [Par exemple : une modification unilatérale de mes horaires / une différence de traitement injustifiée par rapport à mes collègues occupant des fonctions similaires / un non-paiement des heures supplémentaires effectuées / des propos répétés portant atteinte à ma dignité…]

    Au regard de ces éléments, je considère que ma situation pourrait relever de [par exemple : une discrimination / un harcèlement moral / un manquement à votre obligation de sécurité / une atteinte à mes droits en matière de rémunération].

    3. Conséquences sur mes conditions de travail

    Cette situation a un impact réel sur mes conditions de travail et mon état de santé :
    – [Fatigue, stress, anxiété, dégradation de l’ambiance, isolement, difficultés à accomplir les missions confiées…]
    – [Le cas échéant : arrêts de travail, consultations médicales, alertes déjà formulées auprès de mon supérieur, de la RH ou du CSE…]

    4. Rappel de vos obligations en tant qu’employeur

    Je me permets de rappeler que l’employeur est tenu de respecter les dispositions du Code du travail, notamment en matière de [choisir selon le cas : harcèlement, discrimination, santé et sécurité, rémunération, égalité de traitement…], et de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les situations susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés.

    5. Demande d’intervention

    En conséquence, je vous demande de bien vouloir :
    – Examiner ma situation de manière objective ;
    – Prendre les mesures appropriées pour faire cesser les faits décrits ;
    – Me tenir informé(e), par écrit, des suites que vous entendez donner à ce signalement.

    Je reste naturellement disponible pour un entretien afin d’échanger plus en détail sur ces éléments et de rechercher, dans le respect de mes droits, une solution permettant d’assainir mes conditions de travail.

    Dans l’attente de votre retour, je vous prie d’agréer, Madame / Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

    [Nom, prénom]
    [Poste]
    [Service]
    [Signature]

    Ce modèle est volontairement sobre. Votre objectif est de rester professionnel, même si la situation ne l’est pas.

    Adapter la lettre à des situations fréquentes

    Selon la nature de l’injustice, le ton et le contenu doivent légèrement être ajustés.

    1. Harcèlement moral ou sexuel

    Dans ces cas, il est crucial de :

  • Décrire des faits répétés (dans le cas du harcèlement moral) ou des propos/gestes non désirés (harcèlement sexuel)
  • Éviter les termes juridiques si vous n’êtes pas sûr, mais décrire concrètement ce qui se passe
  • Signaler rapidement les faits à l’employeur, qui a l’obligation d’enquêter
  • Vous pouvez ajouter dans votre lettre : « Je vous informe de ces faits afin que vous puissiez prendre toutes les mesures nécessaires pour les faire cesser et assurer ma sécurité au travail. »

    2. Injustice salariale ou heures supplémentaires non payées

    Ici, vos pièces maîtresses sont les documents :

  • Bulletins de paie
  • Plannings, feuilles de temps
  • Mails de demande de disponibilité
  • Votre lettre doit mentionner précisément les périodes, le nombre d’heures, et la différence entre ce qui a été effectué et ce qui a été payé.

    3. Discrimination

    La discrimination est souvent insidieuse. Il faut montrer que la différence de traitement est liée à un critère interdit par la loi (âge, sexe, origine, grossesse, handicap, activités syndicales, etc.).

    Vous pouvez par exemple écrire : « À profil, ancienneté et compétences équivalentes, je constate que je suis le/la seul(e) à [ne pas bénéficier de prime / ne pas être promu(e) / subir tel traitement] alors même que [préciser le critère protégé]. »

    Faut-il mentionner que vous envisagez d’autres démarches ?

    Tout dépend de votre stratégie et du rapport de force. Il est possible de mentionner, de manière mesurée, que vous vous réservez le droit de saisir d’autres instances si rien n’est fait, par exemple :

    « Sans réponse de votre part ou sans amélioration de ma situation, je me verrai contraint(e) d’envisager les démarches appropriées auprès des instances compétentes. »

    C’est suffisamment clair sans verser dans la menace directe. Vous signalez simplement que vous connaissez vos droits et les voies de recours.

    Après l’envoi de la lettre : quoi surveiller, quoi faire

    Une fois votre courrier envoyé (de préférence en recommandé avec AR), plusieurs scénarios :

  • Vous obtenez une réponse rapide et un entretien est proposé : allez-y préparé, avec vos notes, vos pièces, vos demandes claires.
  • On tente de minimiser (« Vous exagérez », « ce n’est pas si grave ») : restez factuel, continuez à documenter, notez les réactions.
  • Silence complet : votre lettre reste malgré tout une preuve de votre alerte, ce qui renforcera un dossier ultérieur.
  • Dans tous les cas :

  • Conservez l’accusé de réception
  • Archiviez une copie de votre lettre (papier et numérique)
  • Tenez un journal de bord des faits (dates, situations, personnes présentes)
  • Quand passer à l’étape supérieure : inspection du travail, prud’hommes, lanceur d’alerte

    Si l’employeur ne réagit pas, ou pire, si la situation s’aggrave après votre lettre, il est peut-être temps d’aller plus loin.

    Plusieurs options existent :

  • Inspection du travail : utile en cas d’atteinte aux droits fondamentaux, sécurité, harcèlement, travail dissimulé, etc.
  • Conseil de prud’hommes : pour contester une sanction, un licenciement, un non-paiement, une discrimination…
  • Médecin du travail : si votre santé est impactée, c’est un allié crucial.
  • CSE / représentants du personnel : ils peuvent alerter la direction, accompagner vos démarches.
  • Dans certaines situations graves, récurrentes, mettant en jeu l’intérêt général (fraudes, corruption, danger grave pour la santé publique, environnement, etc.), vous pouvez entrer dans le champ du lanceur d’alerte. Là encore, l’écrit joue un rôle central : il formalise le signalement interne, souvent préalable obligatoire avant des démarches externes.

    Lettre de dénonciation : outil de faiblesse ou de force ?

    On entend souvent : « Si j’écris, je vais me griller. » En réalité, ce qui vous expose le plus, ce n’est pas d’écrire, c’est de subir en silence.

    Un employeur qui voit arriver une lettre structurée, datée, argumentée, sait qu’il ne traite plus seulement un salarié isolé, mais un dossier potentiellement opposable devant un juge, l’inspection du travail ou un syndicat. Le rapport de force ne disparaît pas, mais il se rééquilibre.

    Votre lettre n’est pas une garantie de justice. Mais elle est une première pierre solide si vous décidez de ne plus accepter l’inacceptable.

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