Dans le monde numérique où l’image vend plus que le fond, les influenceurs sont devenus nos nouveaux prescripteurs, parfois même nos modèles. Pourtant, derrière les filtres et les mises en scène léchées, certains comptes relèvent davantage de la supercherie que de l’influence réelle. Détecter un faux influenceur n’est pas qu’un exercice de curiosité : c’est un réflexe de protection, surtout pour ceux qui envisagent une collaboration, un achat, ou une dénonciation justifiée. Voici comment les démasquer, sans se faire avoir.
Qu’est-ce qu’un faux influenceur ?
Avant de sortir la loupe numérique, posons les bases. Un faux influenceur se donne les atours d’un leader d’opinion en ligne, sans en avoir l’impact réel. Il peut acheter ses abonnés, maquiller ses statistiques, créer une illusion de popularité… Bref, il simule une influence qu’il n’a pas. Pourquoi ? Pour décrocher des partenariats rémunérés, arnaquer des marques ou simplement flatter son ego numérique.
Mais attention : il ne s’agit pas seulement de repérer quelqu’un avec peu d’engagement. Certains comptes gonflés à l’ego et aux robots peuvent paraître authentiques aux yeux d’un utilisateur peu averti. D’où l’importance de creuser plus profond.
Inspecter l’engagement au microscope
Un nombre élevé d’abonnés n’est pas un gage d’influence. Un compte à 100 000 abonnés avec 50 likes en moyenne sur ses publications ? Il y a anguille sous roche. Voici quoi regarder :
- Taux d’engagement : Le ratio entre les interactions (likes, commentaires, partages) et le nombre d’abonnés devrait être cohérent. En règle générale, un bon taux tourne autour de 2 à 5 %. En dessous, méfiance.
- Commentaires suspects : « Great pic! » ou « Love this! » à répétition sous chaque contenu ? Probablement du spam. Les vrais abonnés interagissent avec un minimum de pertinence.
- Fluctuations brutales : Un saut de +10k abonnés en une nuit ? Les probabilités jouent contre l’authenticité. Vérifiez l’évolution des abonnés avec des outils gratuits tels que Social Blade.
Les abonnés fantômes : analysés et décortiqués
Acheter des abonnés est aussi facile qu’acheter une pizza. Des plateformes clandestines, parfois hébergées à l’étranger, vendent des milliers de « followers » pour quelques dizaines d’euros. Le problème ? Ces comptes sont souvent inactifs, générés automatiquement, ou ne correspondent pas à la cible du compte.
Voici quelques astuces pour les repérer :
- Analyse manuelle : Cliquez sur une trentaine de profils abonnés au « faux » influenceur. Des comptes sans photo, sans publications, avec un nom aléatoire suivi d’une suite de chiffres ? Clairement artificiels.
- Géolocalisation incohérente : Un influenceur français suivi majoritairement par des comptes situés en Inde ou au Brésil ? Les mathématiques n’aiment pas le hasard.
- Activité minimale des abonnés : Des followers qui n’aiment jamais, ne commentent jamais, et n’ont aucune audience propre ? Un théâtre vide est un mauvais spectacle.
Les outils à utiliser pour mener sa propre investigation
On ne va pas jouer au détective sans sa mallette. Voici les outils incontournables pour inspecter un compte social :
- Social Blade : Pour analyser les statistiques d’évolution des abonnés sur Instagram, YouTube ou TikTok.
- HypeAuditor : Bien qu’en partie payant, il offre des aperçus intéressants sur l’audience d’un compte : authenticité, qualité des followers, engagement réel, etc.
- FakeCheck.co : Pour un rapport rapide sur la qualité d’un compte Instagram.
- Modash ou Not Just Analytics : Simples d’utilisation, ces plateformes permettent aussi de visualiser la crédibilité d’un profil.
Et pour les plus sceptiques : faire une recherche d’image inversée avec Google peut révéler si les photos mises en avant sont volées ou réutilisées. Une pratique fréquente chez les usurpateurs d’identité numérique.
Quand l’influenceur vend du vide : repérer les partenariats douteux
Un influenceur peu suivi mais qui accumule les collaborations ? Cela peut signifier que la marque n’a pas fait ses devoirs, ou pire : que le compte ment. Certains s’auto-attribuent des partenariats pour paraître attrayants. Vérifiez :
- L’authenticité des publications sponsorisées : Y a-t-il un réel lien entre la marque et l’influenceur ? Des stories en boutique, un code promo tracké, une interaction avec le compte officiel de la marque ?
- Les messages des marques : Certaines marques répondent directement lorsqu’elles sont citées. Leur absence ou déni pourrait signifier que le « partenariat » a été inventé.
Un vrai influenceur ne cache pas ses partenariats. Il les annonce clairement – d’un point de vue légal, c’est même une obligation (art. L121-1 du Code de la consommation sur la transparence commerciale).
Les cas d’usurpation et de duplicité numérique
Certains individus vont encore plus loin : ils volent des contenus à d’autres créateurs pour bâtir un faux empire numérique. Une pratique fréquente sur TikTok, où le format court facilite la réutilisation sans autorisation.
Un exemple flagrant ? En 2022, une créatrice de contenus beauté française découvre que ses vidéos sont repostées, sans son accord, par un soi-disant « influenceur » basé à Dubaï. Résultat : gain de 30 000 abonnés pour le fraudeur… avant que la vérité n’éclate suite à une dénonciation connectée.
Face à ces cas, la vigilance est cruciale. Une simple recherche d’image ou de vidéo dans Google, TinEye ou InVID peut démasquer un plagiaire. Et en cas de doute, n’hésitez pas à alerter la plateforme concernée ou déposer un signalement officiel (CNIL, Signal Spam ou même plainte pour usurpation d’identité ou contrefaçon).
Derrière le miroir : motivations et dérives
Pourquoi ces individus trichent ? Pour certains, c’est une manière de rentrer plus vite dans le monde fermé de l’influence rémunérée. Pour d’autres, c’est une stratégie frauduleuse, un modèle économique illégal, basé sur la tromperie. Certains faux influenceurs organisent même des arnaques aux placements de produits ou glissent dans leurs contenus des liens piégés.
En mai 2023, une fausse influenceuse lifestyle française a ainsi écumé plus de 15 000 euros auprès de marques émergentes. Mensonges sur sa portée, trafic acheté, fausses statistiques : un cheval de Troie numérique. Son compte a été fermé, mais la justice peine à suivre face à l’explosion de ces pratiques.
Quelques réflexes à garder en tête
Ne soyons pas dupes. Le numérique est un terrain fertile pour les illusions. Avant d’interagir, de faire confiance ou de dénoncer, adoptez quelques réflexes sains :
- Faites des vérifications croisées sur plusieurs réseaux sociaux.
- Analysez les commentaires : leur pertinence dit beaucoup sur l’authenticité de l’audience.
- Inspectez les partenariats passés, les mentions de marques, les interactions avec d’autres comptes professionnels.
- Posez des questions directement à l’influenceur : leur réaction peut en dire long.
Car oui, les chiffres mentent parfois. Mais l’analyse rigoureuse – débarrassée de l’illusion des uns et de la naïveté des autres – remet les pendules sociales à l’heure. Et si vous êtes témoin d’un comportement trompeur impactant des consommateurs ou une marque, n’hésitez pas à utiliser votre droit de signalement. L’intégrité numérique est l’affaire de toutes et tous.