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Comment prouver une tentative d’escroquerie avec des preuves recevables devant la justice

Comment prouver une tentative d'escroquerie avec des preuves recevables devant la justice

Comment prouver une tentative d'escroquerie avec des preuves recevables devant la justice

Une tentative d’escroquerie, ce n’est pas “rien” sous prétexte que vous ne vous êtes pas fait avoir. En droit pénal, la tentative est souvent presque aussi grave que l’infraction consommée. Mais pour que la justice s’y intéresse, il faut une chose très simple et très exigeante à la fois : des preuves. Des preuves recevables, exploitables et suffisamment claires pour convaincre un procureur, un enquêteur, puis éventuellement un juge.

La bonne nouvelle : dans la plupart des arnaques modernes (téléphone, SMS, réseaux sociaux, mails, plateformes), vous avez bien plus de moyens de preuve que vous ne le pensez. La mauvaise : beaucoup de victimes les détruisent sans le savoir, ou les rendent inutilisables en réagissant mal.

Voyons, de façon méthodique, comment constituer un véritable dossier de tentative d’escroquerie qui tienne la route devant la justice.

Ce que la loi entend par “tentative d’escroquerie”

Commençons par le cadre légal. L’escroquerie est définie par l’article 313-1 du Code pénal :

« L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne (…) et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien (…) ».

Autrement dit : un mensonge organisé pour vous soutirer quelque chose. La tentative d’escroquerie, c’est la même mécanique, mais l’opération ne va pas jusqu’au bout.

Pour que la tentative soit pénalement réprimée, il faut :

La justice s’intéressera donc à deux choses : comment prouver les manœuvres frauduleuses, et comment démontrer le début d’exécution. Tout l’enjeu de vos preuves est là.

Preuve en matière pénale : ce que la justice attend réellement

En droit pénal français, la preuve est libre : en théorie, tout moyen de preuve peut être utilisé. En pratique, certains éléments ont plus de poids que d’autres, et il existe des limites : on ne peut pas tout faire n’importe comment au nom de la “recherche de la vérité”.

Trois idées à garder en tête :

Votre objectif n’est donc pas d’obtenir LA preuve miracle, mais de constituer un ensemble d’indices sérieux et exploitables. C’est ce faisceau qui va intéresser la justice.

Les preuves recevables les plus utiles en cas de tentative d’escroquerie

Dans une tentative d’escroquerie, presque tout se joue à distance : téléphone, SMS, messageries, applications, plateformes. Cela vous donne un avantage : ces canaux laissent des traces. Voici les principales catégories de preuves utiles, et la manière de les rendre exploitables.

Messages écrits, emails et messageries (WhatsApp, SMS, réseaux sociaux)

C’est souvent votre meilleure base de travail.

En justice, un simple screenshot reste une preuve discutable s’il est isolé. En revanche, un screenshot + le message original exporté + des métadonnées (date, heure, adresse mail ou numéro) devient très sérieux.

Enregistrements téléphoniques

Question fréquente : “Est-ce que j’ai le droit d’enregistrer l’arnaqueur au téléphone ?”

En droit pénal, la jurisprudence admet généralement les enregistrements réalisés par une personne partie à la conversation, même à l’insu de l’autre, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un stratagème déloyal de type “piège” monté par les autorités. La loyauté est appréciée au cas par cas, mais un particulier qui enregistre un appel suspect pour se protéger n’est pas assimilé à un service de renseignement.

Quelques règles de prudence :

Un enregistrement audio peut venir corroborer des SMS, des mails, des transferts d’argent avortés, etc. Pris seul, il a moins de poids, mais dans un dossier structuré, il devient très utile.

Relevés bancaires, ordres de virement et opérations refusées

En cas de tentative d’escroquerie financière, vos documents bancaires deviennent des pièces clés, même si le paiement n’a jamais abouti.

Ces éléments montrent que l’escroquerie était en phase avancée : début d’exécution réel, même si le résultat (virement effectué) n’a pas eu lieu.

Captures d’écran de sites, annonces et profils frauduleux

Les escrocs se cachent derrière de faux profils, fausses boutiques, fausses annonces. Ces supports sont des preuves en or… à condition d’être capturés à temps.

Les contenus en ligne disparaissent vite. Un profil supprimé ou une annonce retirée sans trace vous laisse les mains vides. Ne comptez pas sur la plateforme pour tout conserver éternellement.

Témoignages et échanges avec des tiers

Autre catégorie souvent sous-estimée : les témoins. Ils ne servent pas qu’aux agressions dans la rue. Un témoin peut aussi être :

Pour rendre ces témoignages utilisables :

Un témoin ne “prouve” pas tout, mais il renforce la cohérence de votre récit et montre que vous n’avez pas inventé l’affaire après coup.

Comment réagir dès les premiers signes d’arnaque

La différence entre un dossier solide et un dossier bancal se joue souvent dans les premières heures. Voici une méthode simple.

1. Coupez l’interaction financière, pas les preuves

2. Sauvegardez immédiatement tout ce qui est numérique

3. Notez la chronologie des faits

Un simple fichier texte daté, où vous racontez les faits de manière chronologique, est souvent plus utile qu’un long récit improvisé trois mois plus tard devant un enquêteur.

4. Avertissez rapidement les acteurs concernés

Ces signalements génèrent eux-mêmes des traces (accusé de réception, numéros de dossier) qui viennent compléter votre dossier.

Monter un dossier clair pour la plainte

Une plainte qui se résume à “on a essayé de m’arnaquer” sans pièce jointe a peu de chances de produire des miracles. À l’inverse, une plainte structurée, avec annexes, augmente nettement la probabilité d’une enquête digne de ce nom.

Concrètement, préparez :

Vous pouvez déposer plainte :

Plus votre dossier est clair, plus l’enquêteur gagnera du temps… et plus il aura de chances d’aller chercher les informations complémentaires (demandes de levée de confidentialité, réquisitions aux plateformes, etc.).

Trois cas pratiques de tentative d’escroquerie et leurs preuves clés

Pour rendre tout cela concret, examinons trois scénarios fréquents, avec les preuves à rassembler dans chaque cas.

1. Le faux conseiller bancaire au téléphone

Vous recevez un appel prétendument de votre banque : opérations suspectes sur votre compte, nécessité de “valider” ou “annuler” un paiement, demande de codes reçus par SMS.

Preuves utiles :

2. L’arnaque à la fausse vente entre particuliers (type LeBonCoin, Vinted…)

Vous vendez ou achetez un bien. L’interlocuteur vous propose de passer par un faux système de paiement sécurisé, vous envoie un faux mail de la plateforme, ou vous pousse vers un lien externe.

Preuves utiles :

3. Le chantage sentimental ou affectif en ligne

Une relation en ligne se noue, puis bascule en demande d’argent (maladie, billet d’avion, problème soudain), voire en menace (diffusion de photos intimes).

Preuves utiles :

Dans ce type de dossier, la justice doit souvent démontrer le caractère frauduleux d’une relation présentée comme “sentimentale”. Plus vos preuves montrent la manipulation (mensonges répétés, scénarios incohérents, pression psychologique), plus le dossier tient.

Ce qu’il faut éviter absolument

Quelques réflexes à proscrire si vous voulez que vos preuves restent exploitables :

Votre force, ce n’est pas la colère. C’est un dossier propre, chronologique, étayé, qui parle de lui-même devant un magistrat.

Face à une tentative d’escroquerie, vous n’êtes pas désarmé. Vous avez entre les mains une arme discrète mais redoutable : la preuve. À vous de la façonner dès les premiers signaux d’alerte, avec méthode. Le droit pénal sait traiter les tentatives ; encore faut-il lui donner de quoi travailler.

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