Recevoir une amende peut faire grincer des dents. Mais recevoir une amende que l’on estime injustifiée, voilà qui fait monter la tension d’un cran supplémentaire. Trop souvent, par ignorance ou découragement, certains paient sans contester. Erreur stratégique. Face à une amende abusive, la loi vous offre des recours. Encore faut-il les connaître et les utiliser correctement. Décryptons ensemble le parcours type du justiciable qui refuse de se laisser tondre sans raison.
Amende abusive : de quoi parle-t-on exactement ?
Une amende est dite « abusive » lorsqu’elle est infondée, incorrectement notifiée ou entachée d’erreurs manifestes. Cela peut concerner :
- Une infraction que vous n’avez pas commise (véhicule usurpé, situation ubuesque, etc.)
- Une erreur administrative (plaque mal entrée, agent de verbalisation trop zélé… ou aveugle)
- Une infraction contestable sur le fond (stationnement non gênant, excès de vitesse marginal, radar mal réglé…)
- Une amende majorée sans notification préalable
Dans tous les cas — et c’est là le point central — une amende n’est jamais au-dessus des lois. Et vous non plus, d’ailleurs : la contestation est un droit fondamental.
Étape 1 : analyser la verbalisation
Avant de vous lancer tête baissée dans la procédure, prenez un temps court mais stratégique pour examiner minutieusement le contenu du PV ou de l’avis de contravention. Trois éléments doivent être passés au crible :
- La nature de l’infraction : Est-elle clairement définie ? Correspond-elle à un comportement réel de votre part ?
- La procédure de notification : Avez-vous reçu le document correctement et dans les délais ?
- Les éléments de preuve : Existe-t-il une photo, une mention d’agent témoin, une matérialité compatible avec les faits ?
Par exemple, si vous recevez un PV pour stationnement gênant un dimanche soir alors que votre voiture était au garage, la contestation s’impose presque naturellement. Gardez cependant à l’esprit que ce sera à vous de prouver cette incohérence à l’administration ou au juge.
Étape 2 : choisir son mode de contestation
La manière dont vous devez contester dépend du type d’amende. Il existe deux grandes catégories :
- Amendes forfaitaires simples (stationnement, excès de vitesse, infractions routières classiques) : la contestation s’effectue via le formulaire de requête en exonération (joint au PV ou téléchargeable sur www.antai.gouv.fr)
- Amendes forfaitaires majorées : vous devez remplir une réclamation motivée et l’adresser au Trésor Public, accompagnée éventuellement d’un courrier explicatif et de pièces justificatives
Attention, les délais sont serrés :
- Pour une amende simple : vous avez 45 jours à compter de l’envoi pour contester
- Pour une amende majorée : seulement 30 jours pour vous manifester
Passé ce délai, l’administration considèrera votre silence comme une reconnaissance tacite. Ne laissez pas l’horloge administrative décider de votre sort.
Étape 3 : rédiger une contestation solide
La clé d’une contestation réussie ? Le fond mais aussi la forme. Soyons clairs : il ne suffit pas d’écrire « Je ne suis pas d’accord » sur un coin de nappe. Votre défense doit être factuelle, rigoureuse, et idéalement étayée de preuves.
Quelques conseils pratiques :
- Structurez votre courrier (objet clair, exposé des faits, arguments juridiques, pièces jointes)
- Restez poli mais ferme : il ne s’agit pas de supplier, mais d’affirmer votre bon droit
- Joignez les preuves tangibles (facture de garage, photos, attestation, GPS, témoignage…)
Exemple d’approche efficace :
« Le 12 avril, j’ai reçu une contravention pour dépassement de vitesse à 73km/h au lieu de 70km/h sur l’avenue X. Or, à l’heure indiquée, mon véhicule était à l’arrêt devant mon domicile, comme l’indiquent les journaux de bord GPS (pièce jointe). Par ailleurs, l’écart de 3 km/h entre l’infraction indiquée et la tolérance technique des radars pose question… »
L’administration apprécie rarement les argumentations fantaisistes. Privilégiez la rigueur à l’émotion.
Refus de votre contestation : quelles options ?
Votre courrier est resté lettre morte ? Ou pire, rejeté sans justification valable ? N’allez pas commettre l’erreur classique : baisser les bras. Vous avez encore un levier juridique de poids : saisir l’autorité judiciaire.
Selon les cas :
- Un officier du ministère public peut classer ou poursuivre votre dossier
- Si l’affaire est maintenue, vous serez convoqué devant le juge de proximité ou le tribunal de police (selon la gravité)
Pas de panique : une fois devant le juge, vous aurez enfin un interlocuteur indépendant. Il est fréquent qu’un cas bien présenté obtienne la relaxe, notamment si le doute est permis. Exemple parlant : une automobiliste ayant prouvé grâce à sa montre connectée qu’elle courait à pied à l’heure où son véhicule flashé — en réalité volé — commettait l’infraction… Relaxée.
Et si l’infraction a été commise avec votre véhicule… sans vous ?
Vous êtes responsable de votre voiture, mais pas d’un voleur ou d’un ami indélicat. La jurisprudence est constante : vous pouvez être exonéré si vous démontrez :
- Que votre véhicule a été volé (plainte avec récépissé indispensable)
- Qu’un tiers l’utilisait sans votre autorisation (prêt non consenti, photo du conducteur, etc.)
Dans tous les cas, votre bonne foi ne suffit pas. Seules des preuves matérielles convaincront l’autorité. La preuve, encore la preuve, toujours la preuve.
L’arme fatale : la procédure de recours administratif préalable
Si vous estimez que l’administration s’acharne (multiplication des amendes injustifiées, négligence manifeste dans votre dossier…), vous pouvez initier un RAPO (Recours Administratif Préalable Obligatoire) avant de saisir le juge administratif.
Ce type de procédure est notamment applicable pour les amendes liées à la circulation (Forfait Post-Stationnement, par exemple). Le RAPO se fait généralement via un formulaire en ligne ou par courrier recommandé auprès de l’autorité verbalisatrice (commune, préfecture… selon les cas).
Encore une fois, c’est votre capacité à construire un dossier solide qui fera pencher la balance. N’hésitez pas à invoquer l’article L. 411-6 du Code des relations entre le public et l’administration : l’administration doit rendre une décision explicite dans les deux mois, au-delà desquels le silence vaut rejet… et déclenche la possibilité d’un recours contentieux.
Dernier recours (mais puissant) : saisir le Défenseur des droits
Si malgré toutes vos démarches, vous êtes confronté à une mauvaise foi manifeste, à un déni de justice ou à un traitement clairement inéquitable, vous pouvez saisir le Défenseur des droits. Ce n’est pas un magistrat, mais une autorité indépendante dotée d’un réel pouvoir d’enquête.
Les cas admissibles incluent :
- Comportements discriminatoires ou vexatoires de l’administration
- Absence de réponse aux réclamations motivées
- Dysfonctionnements répétés
La saisine se fait facilement en ligne ou par courrier. Même si elle ne suspend pas l’amende, une enquête du Défenseur des droits peut peser fortement dans votre dossier en cas de procédure juridictionnelle.
Agir vite, bien et calme : le triptyque gagnant
Contester une amende abusive, ce n’est pas hurler à l’injustice générale. C’est répondre à une anomalie administrative avec méthode et fermeté. Un citoyen qui connaît ses droits et les exerce intelligemment a toutes les chances de faire plier la machine bureaucratique, même mal huilée.
N’oubliez pas : la loi reste votre meilleure alliée. Servez-vous-en. Jouez dans les règles, mais jouez serré.