La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est une des charges les plus mal comprises par les locataires. Montants variables, régularisations tardives, calculs opaques de certains bailleurs… la confusion est fréquente et ouvre parfois la porte à des abus, voire à des pratiques illégales. Comprendre précisément comment calculer cette taxe pour un locataire permet non seulement d’éviter les erreurs, mais aussi de repérer les surfacturations et, le cas échéant, de les contester ou de les signaler.
1. Rappel : comment fonctionne la taxe d’ordures ménagères pour les locataires ?
1.1. Qui paie réellement la TEOM : propriétaire ou locataire ?
La TEOM est toujours intégrée dans la taxe foncière payée par le propriétaire. En théorie, l’administration fiscale ne connaît que le propriétaire, jamais le locataire. Cependant, la loi permet au bailleur de récupérer cette taxe auprès de son locataire, car il s’agit d’une charge dite « récupérable ».
En pratique :
- Le propriétaire reçoit un avis de taxe foncière comportant une ligne « taxe d’enlèvement des ordures ménagères ».
- Il peut ensuite demander au locataire le remboursement de cette partie uniquement.
- Il ne peut pas légalement faire supporter au locataire les autres lignes de la taxe foncière (taxe foncière elle-même, taxes spéciales d’équipement, etc.).
Un bailleur qui refacture au locataire plus que la TEOM proprement dite, ou qui inclut des postes non récupérables, adopte un comportement abusif qui peut être contesté, et, dans les cas graves et répétés, signalé aux autorités compétentes.
1.2. TEOM, OM, TOM : de quoi parle-t-on exactement ?
Sur l’avis de taxe foncière, la ligne peut être libellée de différentes façons selon les communes :
- « Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – TEOM »
- « Ordures ménagères » ou « OM »
- « Taxe ordures ménagères » ou « TOM »
Toutes ces dénominations renvoient au même principe : il s’agit de la part du financement du service de collecte des déchets ménagers. C’est seulement cette ligne précise qui peut être légalement récupérée auprès du locataire, à l’exclusion du reste.
1.3. TEOM et provisions sur charges : comment ça se traduit dans le bail ?
En location vide ou meublée, la TEOM fait partie des charges récupérables. Elle est donc généralement intégrée dans :
- les provisions sur charges mensuelles (montant estimé, régularisé une fois par an), ou
- le forfait de charges (surtout en location meublée), auquel cas la récupération exacte est plus difficile à vérifier pour le locataire.
Lors de la régularisation annuelle, le bailleur doit pouvoir justifier le montant réclamé au locataire. Cela implique de fournir une copie de l’avis de taxe foncière ou, au minimum, la partie mentionnant la TEOM. Refuser systématiquement de produire ces justificatifs ou procéder à des calculs opaques peut constituer un indice de comportement abusif.
2. Méthode pas à pas pour calculer la taxe ordures ménagères d’un locataire
2.1. Étape 1 : identifier le montant exact de la TEOM
Point de départ indispensable : l’avis de taxe foncière du propriétaire. Sur ce document figure un tableau récapitulatif avec différentes lignes. Pour calculer précisément la part demandable au locataire :
- Rechercher la ligne correspondant à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
- Noter le montant total de cette ligne, avant tout abattement éventuel.
- Vérifier qu’aucune autre ligne (taxe foncière, taxes annexes) n’est incluse dans le calcul.
Erreur fréquente : certains bailleurs additionnent la TEOM avec d’autres taxes ou arrondissent à la hausse « pour simplifier ». Juridiquement, seule la TEOM brute (hors majorations ou pénalités de retard) est récupérable sur le locataire.
2.2. Étape 2 : calculer la part du locataire selon sa période d’occupation
La TEOM est due pour l’année civile. Mais un locataire peut ne pas avoir occupé le logement sur toute cette période. Il faut alors proratiser le montant en fonction du nombre de jours d’occupation.
Méthode de calcul :
- Prendre le montant annuel de TEOM (ex. 200 €).
- Diviser ce montant par 365 pour obtenir un coût journalier (200 / 365 ≈ 0,55 €/jour).
- Multiplier par le nombre de jours d’occupation du locataire (ex. du 1er avril au 31 décembre : 275 jours).
- Résultat : 0,55 × 275 ≈ 151,25 €.
Cette méthode est la plus équitable et la plus transparente. Un bailleur qui exige la totalité de la TEOM alors que le locataire n’a occupé le logement que quelques mois de l’année se met en situation d’abus potentiel, facilement contestable.
2.3. Étape 3 : répartir la TEOM en cas de colocation ou d’immeuble multi-lots
Dans un immeuble comprenant plusieurs logements, la TEOM portée sur la taxe foncière concerne l’ensemble de l’immeuble. Elle doit donc être répartie entre les différents locataires. Deux cas principaux :
- Colocation avec un seul bail : la TEOM est divisée entre les colocataires, souvent au prorata :
- du nombre de chambres,
- de la superficie de chaque chambre,
- ou à parts égales si rien n’est précisé dans le bail.
- Immeuble avec plusieurs baux indépendants : le propriétaire (ou le syndic) répartit la TEOM entre les appartements, généralement au prorata des tantièmes de copropriété ou de la surface de chaque lot.
Pour un calcul rigoureux, le bailleur doit préciser la base de répartition (surface, tantièmes, etc.) et pouvoir la justifier. À défaut, des pratiques arbitraires ou discriminatoires peuvent apparaître (par exemple, faire payer plus à un locataire jugé « moins attentif »). Ces situations peuvent légitimement être contestées.
2.4. Étape 4 : intégrer la TEOM dans la régularisation des charges
En location avec provisions sur charges, le bailleur effectue une régularisation annuelle :
- Il calcule le total réel de charges (dont la TEOM) pour l’année.
- Il compare avec le total des provisions déjà payées par le locataire.
- Il réclame un complément ou rembourse le trop-perçu.
Pour vérifier le calcul, le locataire peut demander :
- la copie de la taxe foncière (au moins la partie TEOM),
- le détail de la répartition entre les différents logements ou colocataires,
- le mode de calcul de la proratisation si l’occupation n’a pas couvert l’année complète.
Un refus persistant de fournir ces éléments, ou des réponses contradictoires, sont des signaux d’alerte. Dans certains cas, cela peut justifier non seulement une contestation, mais aussi un signalement lorsqu’il existe une suspicion d’escroquerie organisée (par exemple, surfacturation systématique de tous les locataires).
3. Cas concrets : comment appliquer le calcul de la TEOM au quotidien
3.1. Cas n°1 : locataire présent toute l’année dans un logement individuel
Situation :
- Maison individuelle louée à un seul locataire.
- TEOM sur la taxe foncière : 240 € pour l’année N.
- Le locataire occupe le logement du 1er janvier au 31 décembre de l’année N.
Calcul :
- Montant annuel récupérable : 240 €.
- Le bailleur peut demander au locataire 240 €, soit en régularisation annuelle, soit via des provisions mensuelles (20 €/mois).
- Le bailleur n’a pas le droit d’ajouter un pourcentage ou des frais de « gestion » sur cette ligne.
Comportement douteux :
- Le bailleur facture 300 € en expliquant qu’il « anticipe les augmentations » ou qu’il se rémunère pour « la gestion des poubelles ».
- Ceci dépasse le cadre légal et peut être contesté comme une charge indue.
3.2. Cas n°2 : colocation à trois dans un appartement, TEOM globale
Situation :
- Appartement en colocation avec un bail unique pour trois personnes.
- TEOM pour l’appartement : 180 € pour l’année.
- Les trois colocataires sont présents toute l’année.
Deux méthodes de répartition possibles :
- À parts égales (la plus simple si rien n’est prévu) :
- 180 € / 3 = 60 € par colocataire.
- Chaque colocataire doit supporter 60 € pour l’année.
- Au prorata de la surface des chambres (si prévu dans le bail) :
- Chambre A : 10 m² ; chambre B : 12 m² ; chambre C : 18 m².
- Surface totale des chambres : 40 m².
- Part A : 10/40 = 25 % → 45 € ; part B : 12/40 = 30 % → 54 € ; part C : 18/40 = 45 % → 81 €.
Comportement abusif typique :
- Le bailleur facture 180 € à chacun, soit 540 € au total, alors que la TEOM réelle est de 180 €.
- Ce type de surfacturation nette peut constituer une fraude et justifier une démarche de dénonciation, notamment si l’on découvre que tous les colocataires précédents ont subi le même traitement.
3.3. Cas n°3 : locataire qui emménage en cours d’année
Situation :
- Logement loué à partir du 1er septembre.
- TEOM annuelle : 220 €.
- Le locataire précédent a occupé le logement du 1er janvier au 31 août.
Calcul pour le nouveau locataire :
- Du 1er septembre au 31 décembre : 122 jours (environ).
- Coût journalier : 220 / 365 ≈ 0,60 €/jour.
- Montant dû par le nouveau locataire : 0,60 × 122 ≈ 73,20 €.
Le reste (environ 146,80 €) doit être supporté par le précédent locataire ou, à défaut, par le bailleur (s’il n’a pas procédé à une régularisation correcte).
Pratique illégitime :
- Le bailleur réclame 220 € au nouveau locataire sans tenir compte de la période d’occupation.
- Le précédent locataire a déjà payé une provision couvrant la même période.
Cela revient à faire payer deux fois la même taxe, ce qui est contestable. En cas de refus de correction, le locataire peut documenter la situation (copies de baux, échanges écrits) et envisager une saisine de la commission de conciliation ou, dans les cas répétitifs, une démarche de signalement.
3.4. Cas n°4 : immeuble avec plusieurs lots, TEOM globale sur la taxe foncière
Situation :
- Immeuble de 10 appartements appartenant au même propriétaire.
- TEOM totale sur la taxe foncière : 1 000 €.
- Votre appartement représente 80 m² sur un total de 800 m².
Calcul de la part pour votre logement :
- Proportion : 80/800 = 10 %.
- TEOM imputable à votre appartement : 1 000 € × 10 % = 100 €.
Cette répartition doit idéalement apparaître sur un décompte de charges ou un relevé établi par le propriétaire ou le syndic. L’absence de tout document justifiant cette proportion, ou une incohérence flagrante (par exemple, on vous facture 250 € alors que vous avez un petit studio) peut justifier des questions précises, voire une contestation formelle.
4. Repérer les abus et savoir comment réagir : contestation, recours, signalement
4.1. Signes d’alerte d’un calcul de TEOM douteux
Certaines situations doivent immédiatement alerter un locataire attentif :
- Le bailleur refuse catégoriquement de fournir une copie, même partielle, de la taxe foncière.
- Le montant demandé augmente fortement d’une année sur l’autre sans explication ni document.
- Plusieurs locataires de l’immeuble constatent des montants incohérents entre eux.
- Le bailleur inclut dans les charges récupérables des « frais de gestion » liés à la TEOM.
- La TEOM est facturée comme une somme forfaitaire, sans lien apparent avec la réalité de la taxe foncière.
Ces indices ne prouvent pas à eux seuls une fraude, mais constituent un faisceau d’éléments qui peut conduire à investiguer plus avant et, au besoin, à solliciter des conseils juridiques ou associatifs.
4.2. Comment demander au bailleur de justifier le calcul
Avant toute démarche plus lourde, il est recommandé de commencer par une approche factuelle et écrite :
- Envoyer un courrier ou un e-mail poli et précis, demandant :
- la copie de la taxe foncière (partie relative à la TEOM),
- le détail du calcul (proratisation, répartition entre colocataires ou lots),
- l’explication de toute augmentation significative.
- Conserver une copie de vos demandes et des réponses du bailleur.
Si le bailleur répond clairement et transmet les pièces justificatives, il est souvent possible de clarifier un simple malentendu. Si, au contraire, il persiste à refuser ou fournit des justifications manifestement erronées, vous disposez alors d’éléments documentés en cas de recours.
4.3. Contestation amiable et recours officiels
En cas de désaccord persistant sur le calcul de la TEOM, plusieurs options existent :
- Discussion amiable : proposer une rectification chiffrée en expliquant la méthode de calcul que vous jugez correcte (proratisation, partage au prorata des surfaces, etc.).
- Commission départementale de conciliation : en matière de bail d’habitation, elle peut être saisie gratuitement pour trancher les litiges liés aux charges locatives.
- Juridictions civiles : en dernier recours, saisir le tribunal judiciaire pour faire reconnaître le caractère indu d’une partie des charges réclamées.
Dans tous les cas, plus vos éléments sont précis (copies, calculs, échanges écrits), plus votre position gagne en crédibilité. De nombreux abus prospèrent parce que les locataires n’ont pas accès à l’information ou n’osent pas contester des montants présentés comme « non négociables ».
4.4. Quand et comment envisager une démarche de signalement ou de dénonciation ?
La simple erreur de calcul ponctuelle ne relève pas forcément de la fraude. En revanche, certains comportements répétés et organisés peuvent franchir cette limite :
- Surf acturation systématique et volontaire de tous les locataires depuis plusieurs années.
- Refus constant de fournir les documents de base (taxes foncières) malgré des demandes répétées.
- Falsification apparente de documents (montants modifiés, zones masquées de façon suspecte).
- Multiples témoignages concordants d’anciens locataires faisant état de la même pratique.
Dans ce type de situation, il devient légitime de s’interroger sur l’existence d’une escroquerie ou d’un abus de confiance. Selon la gravité et l’ampleur des faits, diverses voies peuvent être envisagées : signalement à la DGCCRF, associations de consommateurs, voire, dans les cas les plus graves, plainte pénale.
Pour mieux comprendre l’articulation entre TEOM, droits des locataires et obligations des bailleurs, ainsi que les moyens d’action possibles en cas d’abus, il est utile de se référer à notre dossier complet dédié aux droits et obligations liés à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour les locataires, qui détaille également les voies de recours en cas de litige.
5. Bonnes pratiques pour éviter les erreurs et se protéger des abus
5.1. Vérifier les mentions du bail dès la signature
Dès la signature du contrat de location, il est recommandé de :
- Relire attentivement la clause « charges » :
- précise-t-elle qu’il s’agit de provisions ou d’un forfait ?
- mentionne-t-elle la TEOM parmi les charges récupérables ?
- Demander, si possible, un exemple de décompte de charges de l’année précédente pour avoir un ordre de grandeur.
- Vérifier si des règles de répartition sont indiquées en cas de colocation ou d’immeuble multi-lots.
Un bail très flou sur les charges ouvre la porte à des ajustements unilatéraux ultérieurs. Un bail précis et documenté limite les risques de dérives.
5.2. Tenir un tableau de suivi des charges et de la TEOM
Pour mieux contrôler ce que vous payez, vous pouvez tenir un tableau simple :
- Colonne 1 : mois.
- Colonne 2 : charges payées (montant des provisions ou du forfait).
- Colonne 3 : informations reçues lors de la régularisation (part de TEOM, autres charges, etc.).
Ce suivi permet :
- de repérer des augmentations brutales et injustifiées,
- de comparer la TEOM demandée d’une année sur l’autre,
- de discuter plus sereinement avec le bailleur, chiffres à l’appui.
5.3. Se coordonner avec les autres locataires de l’immeuble
Dans un immeuble, les abus sont plus faciles à détecter si les locataires échangent entre eux :
- Comparer les montants de TEOM demandés.
- Vérifier si des calculs incohérents apparaissent (un studio payant plus qu’un grand T3, par exemple).
- Mutualiser les démarches de demande de justificatifs auprès du bailleur ou du syndic.
Une démarche collective est souvent plus efficace, tant pour obtenir des explications que pour faire cesser des pratiques irrégulières. Elle permet aussi de rassembler des preuves en cas de recours ou de signalement.
5.4. Documenter chaque échange et conserver les preuves
Dans une logique de protection et, le cas échéant, de dénonciation, il est essentiel de :
- Privilégier les échanges écrits (courriels, lettres recommandées) plutôt que les discussions uniquement orales.
- Conserver :
- copies de la taxe foncière et des décomptes de charges,
- preuves de paiement (reçus, relevés bancaires),
- échanges avec le bailleur et, le cas échéant, avec d’autres locataires.
Ce « dossier » personnel facilite les démarches ultérieures, qu’il s’agisse d’une simple rectification, d’une action judiciaire ou d’un signalement plus formel de pratiques abusives.
